Pour libérer visuellement l’espace d’un voisinage peu amène, le jeune (27 ans) paysagiste Tony Woods a dû cerner le jardin de palissades qui occultent totalement les alentours. Il s’est servi habilement des contraintes du lieu pour donner un cachet unique au jardin, jouant comme le chat avec la souris entre agressivité et douceur. Fusion et confusion s’imbriquent à tous les instants, les matériaux affichant l’urbanité du jardin, tandis que le choix végétal évoque la nature sauvage dans toute sa fantaisie.
Sur moins de 200 m2, on trouve deux éléments stars des jardins contemporains : un espace de détente agrémenté d’un mur végétal et un potager pour s’adonner sans contraintes, aux plaisirs de la production de légumes et d’herbes aromatiques. Le concept général se veut naturaliste, utilisant des matériaux recyclés pour les éléments construits, privilégiant la culture biologique dans le potager et faisant la part belle aux espèces locales dans le choix des plantes ornementales. Un peu de nature au beau milieu de la ville, en somme.
Niché entre un superbe mur en pierres sèches et une palissade en bois qui servent de brise-vue, le jardin soigneusement tracé en lignes droites, s’habille de plantes aussi authentiquement naturelles que possible : bouleau, digitale, Actaea, graminée, fougère, etc.
Abrité du vent et des regards par de jolies palissades en cèdre rouge, le coin détente se dévoile à demi, à travers un rideau métallique constitué de doubles cornières récupérées sur un chantier. Leur élégante rigidité est animée par un massif de verveines de Buenos Aires (Verbena bonariensis).
Pour rappeler le caractère urbain du jardin, le paysagiste a récupéré des planches d’échafaudage sur un chantier, les utilisant pour le plancher de la terrasse. D’anciens coffres métalliques rouillés ont été transformés en bassins.
Chiche côté floraisons, la nature urbaine s’exprime ici par le choix des végétaux. Le long du pavage (de récupération aussi), des graminées (Hakonechloa macra), puis le feuillage pourpre de Actaea simplex ‘Atropurpurea’ et des fougères.
Le coin des aromatiques (thym, sauge, serpolet), rehaussé par une bordure de trottoir et des planches de coffrage, bénéficie d’un substrat spécial et très drainant, agrémenté d’un paillis minéral en brique pilée (calibre 5/25).
Des planches d’échafaudage de 1,50 m de côté et 15 cm de large ont été assemblées par des équerres en inox, vissées à l’intérieur pour former un coffre qui est rempli de terreau.
Jardiniers débutants, les propriétaires ont eu un peu la main lourde avec les semis. Oseille, salades et petits pois se trouvent ainsi un peu trop serrés pour assurer une récolte abondante, mais qu’importe, les produits sont « maison ».
Tomate, aubergine, poivron et basilic sont rassemblés dans une vieille auge métallique trouvée chez un brocanteur. Une alimentation, en engrais liquide, assurera une bonne récolte.
D’authentiques pavés provenant d’une rue composent un dallage très esthétique. Il est divisé par un tapis de thym doré (Thymus x citriodorus ‘Aureus’) qui contraste joliment avec le bleu nuancé des lavandes (Lavandula ‘Hidcote’), des verveines de Buenos Aires et des chardons (Eryngium planum).
Séduits par la beauté du matériau, les propriétaires du jardin ont récupéré les moellons de grès d’un vieux mur, bâtissant un édifice sculptural qui sert de support à des joubarbes (Sempervivum).
Accentuant la touche naturelle des plantations, des digitales à fleurs blanches (Digitalis purpurea ‘Alba’) se ressèment seules, disséminées au gré du vent. La plante vit deux ans (bisannuelle).
Ce pourrait être le titre d’une fable, c’est simplement l’association de la graminée Anemanthele lessoniana ‘Sirocco’ avec la knautie de Macédoine (Knautia macedonica), deux vivaces de culture facile.
Les huiles essentielles de la sauge pourpre et de la lavande ‘Hidcote’ diffusent leurs fragrances sous le soleil d’été qui mûrit les framboises ‘Zeva’. Un délice dont il faut bien maîtriser la croissance.
Le vert-jaune du feuillage des graminées accroît l’intensité du cosmos chocolat (Cosmos atrosanguineus) et de l’orpin (Sedum telephium ‘Purple Emperor’) dont les nuances sont valorisées.